vendredi 26 décembre 2014

Une nounou Pikler c'est quoi ?


« Oui bonjour Madame, je vous appelle suite à votre annonce d’assistante maternelle. Nous sommes très intéressés par votre démarche. On ne connaît pas Pi…… enfin… je sais même pas comment ça se prononce mais nous recherchons une éducation non violente »






Désolée, Monsieur, normalement, sauf changement de dernière minute, la place est prise ! Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas le seul à ne pas connaître Pikler (sans vouloir citer de nom, je connais même des puéricultrices qui ne savent pas qui c’est Pi…. Kler) Mais en tout cas, vous n’aviez pas tord il s’agit bien en résumé d’une éducation non violente même si on préfère parler ici de bientraitance.

Alors, 

- pour vous (qui je l’espère avez trouvé une solution), 
- pour tous ceux qui ne savent même pas comment cela se prononce, 
- pour les parents de la mini-crevette que je vais accueillir prochainement (on dira que c’est une partie du livret d’accueil que je n’ai pas encore rédigé), 
- pour moi histoire de me faire une petite révision puisque le dernier bébé accueilli ici a bientôt 2 ans ½ (il n’y a pas beaucoup de turnover chez Nounou Cathy), 

voici comment se passe l’accueil d’un tout petit chez une assistante maternelle qui a une approche éducative basée sur les travaux d’Emmi Pikler.

Je ne vous fais pas un cours d’histoire (vous trouverez ça, ailleurs, mieux que je ne pourrais le faire), je vous rappelle simplement quelques principes de base : quand on travaille « à la Pikler » on sera très attaché :

- à la motricité et à l’activité libre,
- au bien-être corporel de l’enfant,
- à la qualité du soin
- à l’établissement d’une relation de confiance entre l’enfant et l’adulte qui s’en occupe.

En clair maintenant. Quand une mini crevette arrive chez moi, je vais tout d’abord apprendre à la connaître et à connaître ses besoins. Pour cela je vais observer attentivement son comportement dans les moindres détails afin de pouvoir interpréter ses demandes et répondre le mieux possible à ses attentes.

Dans la journée lorsque ce bébé ne dormira pas, qu’il ne sera pas en ballade, en train de manger, en « soin » ou dans les bras de sa nounou il sera déposé au sol toujours à plat dos, sur un tapis assez rigide (genre tapis de gym des écoles). Ce tapis sera recouvert d’un drap pour éviter le contact avec le plastique qui pourrait sembler froid. 

Des jeux seront disposés tout autour du bébé, jamais donnés « de force » dans la main. Ils seront choisis selon le développement de l’enfant en privilégiant la simplicité. Au début ce sera souvent des objets de la vie courante reconvertis, l’important étant la découverte de matières, de formes, de sensations et les gestes qui en découleront. Il n’y aura pas de portiques qui peuvent agacés le bébé car celui-ci ne peut ni attraper les jeux qui s’y trouvent, ni s’en détourner puisqu’il est positionné dessous. Les jeux trop bruyants, ou trop compliqués seront aussi bannis. 

Le tapis en lui-même sera toujours positionné dans le même endroit afin de donner des repères à l’enfant. Je le positionnerai contre un mur qui pourra servir de « résistance » et d’appui lors des premières tentatives de déplacements. Avec la permanence des lieux, sera aussi instaurée une permanence des jouets, l’enfant devant retrouvé à chaque séance de motricité les mêmes objets afin de pouvoir approfondir leurs utilisations. Ils ne seront remplacés que lorsque j’aurai observé que l’enfant s’en désintéresse.

Je n’interviendrai jamais pour modifier la position du bébé sauf dans le cas où celui-ci sera dans une situation trop inconfortable comme par exemple lors des premiers retournements sur le ventre, quand le bébé saura se mettre sur le ventre mais se retrouvera coincé, sans savoir comment revenir dans la position initiale. Dans ce cas je veillerai à ne jamais le soulever directement du tapis ; je l’aiderai à repasser sur le dos, en l’accompagnant au niveau de son épaule. Comme je l’aurai bien observé avant, je passerai toujours par l’épaule qui lui aura servi à faire son retournement (chaque bébé a ses préférences au départ). Si besoin je le prendrai alors dans mes bras en l’avertissant toujours de l’acte que je vais réaliser. Sur ce tapis, l’enfant sera laissé pied nu afin qu’il puisse utiliser ses pieds pour jouer et se déplacer. Il sentira beaucoup mieux les appuis et, pas de panique, il ne fait jamais de températures sibériennes chez nounou. 

Je ferai attention à ce que sa tenue soit adaptée pour que ses mouvements soient totalement libres. Ainsi je prendrai garde à ce que ses mains et ses pieds soient toujours libérés en remontant les manches du pull et les bas de pantalons. Le tapis de motricité représentera le lieu de jeu principal du bébé, le transat quant à lui, ne sera qu’un lieu de passage où l’enfant ne restera que de brefs instants. Lorsqu’il sera capable de ramper (très rapidement quand on lui donne l’occasion de se mouvoir), il se promènera comme bon lui semble dans la salle de jeux. Il va de soi que l’enfant ne sera jamais assis ou même posé directement sur le ventre tant qu’il ne sait pas le faire de lui-même. Un youpala ? Heu… non merci, sans façon !! 


Dessins tirés du livre "Se mouvoir en liberté dès le premier âge" 


Les repas seront donnés sur mes genoux (pas de chaise haute ou très peu) jusqu’à ce qu’il soit capable de s’asseoir seul. Je prendrai soin de m’installer dans un coin tranquille, à l’écart de l’agitation. Je serai indisponible pour les autres enfants accueillis pendant tout le temps du repas. A moi donc d’anticiper ce qu’il pourrait se passer et faire en sorte de créer les conditions pour ne pas être dérangée tout en continuant la surveillance. Sauf si il dort (ou si ce n’est vraiment pas son heure) le bébé mangera toujours avant les plus grands, ceci dans le but de ritualiser le repas et de donner des repères dans le temps à tous les enfants présents (« J’ai faim mais je patiente car je sais qu’après bébé, c’est mon tour »). La devise du temps repas sera toujours : « pas une cuillère de moins que la faim, pas une de plus que ce qui lui fait plaisir ».

Le moment du change sera toujours très important. Il ne sera jamais (dans la mesure du possible) réalisé dans la précipitation. Les gestes seront toujours lents, doux et effectués toujours dans le même ordre en prévenant le bébé de ce que l’on va faire. J’essayerai de ne pas tirer sur les jambes pour effectuer le change mais de faire rouler le bébé à partir de son bassin, La manœuvre semble un peu délicate à effectuer mais elle permet de ne pas créer de tensions dans les articulations, et comme elle est toujours réalisée de la même façon, le bébé devient très vite actif pendant son change et vous aide en accompagnant et en anticipant tous vos gestes. J’en profiterai pour lui parler, beaucoup et toujours sans précipitation en tentant de verbaliser les émotions de l’enfant. Lorsqu’il sera plus grand au moment de la marche, l’enfant sera changé debout afin qu’il prenne encore plus part à son propre développement. J’entends déjà les collègues dire que c’est trop compliqué ; c’est juste une question d’habitude. Au départ, quand par « l’odeur alléché » on suppute que le change va être très….. sportif, on peut toujours se resservir de la table à langer en expliquant à l’enfant les raisons de son choix. Il le comprendra très bien : « Nounouuuuuuuu, Ja fais un caca de mammouth » !

Quoi dire de plus, sinon qu’une « Nounou Pikler », c’est une nounou comme les autres. Elle va au parc comme les autres, peut être un peu plus que les autres parce qu’elle pense que les sorties quotidiennes c’est bon pour la santé (une vraie nounou pikler, pure et dure, fera même faire la sieste dehors été comme hiver ce que je ne peux matériellement pas faire personnellement) Elle fait faire des « activités manuelles » comme les autres, peut être un peu moins que les autres car elle est très attachée à l’activité libre ; disons donc qu’elle sera plus « activités » que « bricolages » ne perdant jamais de vue l’intérêt de l’enfant dans tout cela. Elle se formera peut être un peu plus que les autres, ayant à cœur de traquer toutes les « douces violences »quotidiennes dont elle n’avait même pas conscience en débutant dans le métier.

J’imagine les assistantes maternelles en train de lire cet article. Certaines vont se rendre compte qu’elles travaillent "à la Pikler" depuis toujours, d’instinct, sans même le savoir. D’autres vont se demander ce que c’est que ces pratiques bizarres (poser un bébé par terre sans jamais l’aider à s’asseoir, à marcher ou même à attraper un jouet, mais qu’est ce que c’est que ces idées barbares héritées du communisme !!) A celles-là, je leur propose d’aller lire les autres articles de ce blog, notamment les comptes rendus de réunions pour comprendre les raisons et les buts de cette approche de l’éducation.

6 commentaires:

  1. merci pour cet espace nouveau, bonne fin d'année. nous on va avoir de nouveau des séances de motricité libre avec une psychomotricienne au ram en 2015. trop hâte d'apprendre.

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  2. Alors ça, ça me va vraiment, vraiment bien! Je suis psychomotricienne,maman, et assistante familiale, je dépanne mes collègues ass-fam pour garder leur petits de temps en temps, fais des interventions en crêche...Et bien, je suis aussi une "nounou pickler" je crois! ;) Vous pourriez aussi rajouter la necessité de la stabilité des attachements, chez Pickler, pas plus de 3 ou 4 liens d'attachements privilégiés dans les premiers mois, et un accompagnement bienveillant des parents. A bientôt, je vous met dans les favoris de mon blog!

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    1. Merci ! :) Oui je n'ai pas trop insisté sur cette notion car elle va de soi dans un accueil chez une assistante maternelle. L'enfant par définition n'aura qu'une personne référente.

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  3. J'adore !!!! Je cherche une nounou comme cela pour ma fille !!!!

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  4. Je suis puéricultrice et travaille de cette façon depuis plus de 20 ans, vu que c'est le projet pédagogique qui a été mis en place au sein de la crèche. Je ne pourrais plus travailler autrement! Les enfants sont tellement bien dans leur corps et dans leur tête. Sans compter qu'ils sont vraiment respectueux, tout simplement parce qu'ils ont été respecté. Nous avons un groupe de rêve de 12 enfants à 2.
    Christine Willems

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  5. Je suis puéricultrice et travaille de cette façon depuis plus de 20 ans, vu que c'est le projet pédagogique qui a été mis en place au sein de la crèche. Je ne pourrais plus travailler autrement! Les enfants sont tellement bien dans leur corps et dans leur tête. Sans compter qu'ils sont vraiment respectueux, tout simplement parce qu'ils ont été respecté. Nous avons un groupe de rêve de 12 enfants à 2.
    Christine Willems

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