vendredi 26 décembre 2014

Une nounou Pikler c'est quoi ?


« Oui bonjour Madame, je vous appelle suite à votre annonce d’assistante maternelle. Nous sommes très intéressés par votre démarche. On ne connaît pas Pi…… enfin… je sais même pas comment ça se prononce mais nous recherchons une éducation non violente »






Désolée, Monsieur, normalement, sauf changement de dernière minute, la place est prise ! Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas le seul à ne pas connaître Pikler (sans vouloir citer de nom, je connais même des puéricultrices qui ne savent pas qui c’est Pi…. Kler) Mais en tout cas, vous n’aviez pas tord il s’agit bien en résumé d’une éducation non violente même si on préfère parler ici de bientraitance.

Alors, 

- pour vous (qui je l’espère avez trouvé une solution), 
- pour tous ceux qui ne savent même pas comment cela se prononce, 
- pour les parents de la mini-crevette que je vais accueillir prochainement (on dira que c’est une partie du livret d’accueil que je n’ai pas encore rédigé), 
- pour moi histoire de me faire une petite révision puisque le dernier bébé accueilli ici a bientôt 2 ans ½ (il n’y a pas beaucoup de turnover chez Nounou Cathy), 

voici comment se passe l’accueil d’un tout petit chez une assistante maternelle qui a une approche éducative basée sur les travaux d’Emmi Pikler.

Je ne vous fais pas un cours d’histoire (vous trouverez ça, ailleurs, mieux que je ne pourrais le faire), je vous rappelle simplement quelques principes de base : quand on travaille « à la Pikler » on sera très attaché :

- à la motricité et à l’activité libre,
- au bien-être corporel de l’enfant,
- à la qualité du soin
- à l’établissement d’une relation de confiance entre l’enfant et l’adulte qui s’en occupe.

En clair maintenant. Quand une mini crevette arrive chez moi, je vais tout d’abord apprendre à la connaître et à connaître ses besoins. Pour cela je vais observer attentivement son comportement dans les moindres détails afin de pouvoir interpréter ses demandes et répondre le mieux possible à ses attentes.

Dans la journée lorsque ce bébé ne dormira pas, qu’il ne sera pas en ballade, en train de manger, en « soin » ou dans les bras de sa nounou il sera déposé au sol toujours à plat dos, sur un tapis assez rigide (genre tapis de gym des écoles). Ce tapis sera recouvert d’un drap pour éviter le contact avec le plastique qui pourrait sembler froid. 

Des jeux seront disposés tout autour du bébé, jamais donnés « de force » dans la main. Ils seront choisis selon le développement de l’enfant en privilégiant la simplicité. Au début ce sera souvent des objets de la vie courante reconvertis, l’important étant la découverte de matières, de formes, de sensations et les gestes qui en découleront. Il n’y aura pas de portiques qui peuvent agacés le bébé car celui-ci ne peut ni attraper les jeux qui s’y trouvent, ni s’en détourner puisqu’il est positionné dessous. Les jeux trop bruyants, ou trop compliqués seront aussi bannis. 

Le tapis en lui-même sera toujours positionné dans le même endroit afin de donner des repères à l’enfant. Je le positionnerai contre un mur qui pourra servir de « résistance » et d’appui lors des premières tentatives de déplacements. Avec la permanence des lieux, sera aussi instaurée une permanence des jouets, l’enfant devant retrouvé à chaque séance de motricité les mêmes objets afin de pouvoir approfondir leurs utilisations. Ils ne seront remplacés que lorsque j’aurai observé que l’enfant s’en désintéresse.

Je n’interviendrai jamais pour modifier la position du bébé sauf dans le cas où celui-ci sera dans une situation trop inconfortable comme par exemple lors des premiers retournements sur le ventre, quand le bébé saura se mettre sur le ventre mais se retrouvera coincé, sans savoir comment revenir dans la position initiale. Dans ce cas je veillerai à ne jamais le soulever directement du tapis ; je l’aiderai à repasser sur le dos, en l’accompagnant au niveau de son épaule. Comme je l’aurai bien observé avant, je passerai toujours par l’épaule qui lui aura servi à faire son retournement (chaque bébé a ses préférences au départ). Si besoin je le prendrai alors dans mes bras en l’avertissant toujours de l’acte que je vais réaliser. Sur ce tapis, l’enfant sera laissé pied nu afin qu’il puisse utiliser ses pieds pour jouer et se déplacer. Il sentira beaucoup mieux les appuis et, pas de panique, il ne fait jamais de températures sibériennes chez nounou. 

Je ferai attention à ce que sa tenue soit adaptée pour que ses mouvements soient totalement libres. Ainsi je prendrai garde à ce que ses mains et ses pieds soient toujours libérés en remontant les manches du pull et les bas de pantalons. Le tapis de motricité représentera le lieu de jeu principal du bébé, le transat quant à lui, ne sera qu’un lieu de passage où l’enfant ne restera que de brefs instants. Lorsqu’il sera capable de ramper (très rapidement quand on lui donne l’occasion de se mouvoir), il se promènera comme bon lui semble dans la salle de jeux. Il va de soi que l’enfant ne sera jamais assis ou même posé directement sur le ventre tant qu’il ne sait pas le faire de lui-même. Un youpala ? Heu… non merci, sans façon !! 


Dessins tirés du livre "Se mouvoir en liberté dès le premier âge" 


Les repas seront donnés sur mes genoux (pas de chaise haute ou très peu) jusqu’à ce qu’il soit capable de s’asseoir seul. Je prendrai soin de m’installer dans un coin tranquille, à l’écart de l’agitation. Je serai indisponible pour les autres enfants accueillis pendant tout le temps du repas. A moi donc d’anticiper ce qu’il pourrait se passer et faire en sorte de créer les conditions pour ne pas être dérangée tout en continuant la surveillance. Sauf si il dort (ou si ce n’est vraiment pas son heure) le bébé mangera toujours avant les plus grands, ceci dans le but de ritualiser le repas et de donner des repères dans le temps à tous les enfants présents (« J’ai faim mais je patiente car je sais qu’après bébé, c’est mon tour »). La devise du temps repas sera toujours : « pas une cuillère de moins que la faim, pas une de plus que ce qui lui fait plaisir ».

Le moment du change sera toujours très important. Il ne sera jamais (dans la mesure du possible) réalisé dans la précipitation. Les gestes seront toujours lents, doux et effectués toujours dans le même ordre en prévenant le bébé de ce que l’on va faire. J’essayerai de ne pas tirer sur les jambes pour effectuer le change mais de faire rouler le bébé à partir de son bassin, La manœuvre semble un peu délicate à effectuer mais elle permet de ne pas créer de tensions dans les articulations, et comme elle est toujours réalisée de la même façon, le bébé devient très vite actif pendant son change et vous aide en accompagnant et en anticipant tous vos gestes. J’en profiterai pour lui parler, beaucoup et toujours sans précipitation en tentant de verbaliser les émotions de l’enfant. Lorsqu’il sera plus grand au moment de la marche, l’enfant sera changé debout afin qu’il prenne encore plus part à son propre développement. J’entends déjà les collègues dire que c’est trop compliqué ; c’est juste une question d’habitude. Au départ, quand par « l’odeur alléché » on suppute que le change va être très….. sportif, on peut toujours se resservir de la table à langer en expliquant à l’enfant les raisons de son choix. Il le comprendra très bien : « Nounouuuuuuuu, Ja fais un caca de mammouth » !

Quoi dire de plus, sinon qu’une « Nounou Pikler », c’est une nounou comme les autres. Elle va au parc comme les autres, peut être un peu plus que les autres parce qu’elle pense que les sorties quotidiennes c’est bon pour la santé (une vraie nounou pikler, pure et dure, fera même faire la sieste dehors été comme hiver ce que je ne peux matériellement pas faire personnellement) Elle fait faire des « activités manuelles » comme les autres, peut être un peu moins que les autres car elle est très attachée à l’activité libre ; disons donc qu’elle sera plus « activités » que « bricolages » ne perdant jamais de vue l’intérêt de l’enfant dans tout cela. Elle se formera peut être un peu plus que les autres, ayant à cœur de traquer toutes les « douces violences »quotidiennes dont elle n’avait même pas conscience en débutant dans le métier.

J’imagine les assistantes maternelles en train de lire cet article. Certaines vont se rendre compte qu’elles travaillent "à la Pikler" depuis toujours, d’instinct, sans même le savoir. D’autres vont se demander ce que c’est que ces pratiques bizarres (poser un bébé par terre sans jamais l’aider à s’asseoir, à marcher ou même à attraper un jouet, mais qu’est ce que c’est que ces idées barbares héritées du communisme !!) A celles-là, je leur propose d’aller lire les autres articles de ce blog, notamment les comptes rendus de réunions pour comprendre les raisons et les buts de cette approche de l’éducation.

jeudi 25 décembre 2014

Est-ce qu'il tient assis ?


Question récurrente que toutes les mamans, toutes les assistantes maternelles, ont du entendre des centaines de fois. Comme si, de la réponse à cette interrogation dépendait la bonne santé physique et mentale du petit Razmoket !


Tout le monde s’y met : la bonne copine, la belle-mère, même le médecin de famille qui vous intime l'ordre de faire jouer bébé assis parce c'est le moment ! Question qui finit par me faire rire tellement je la trouve maintenant hors de propos.

La vraie bonne question à se poser si vraiment on veut évaluer le stade de développement d’un enfant c’est : « est-ce qu’il se met assis tout seul ? » et non pas « est-ce qu’il tient assis ? » Et ça, ça fait toute la différence.



Vous l’aurez compris, je vais donc tenter de parler aujourd'hui  de la position assise chez les bébés, en partant d’un principe simple : dans l’approche Pikler de l’éducation, la base de mon travail avec les tout-petits donc (petit rappel pour toi nouveau lecteur), on n’assoit jamais les bébés. JAMAIS.

Oui dit comme cela, je sais ça fait bizarre. Peut être que vous vous direz même : mais quelle est donc cette secte étrange ?

Moi aussi la première fois que l’on m’a parlé de cette façon de faire il y a quelques années, je me suis méfiée. A l'époque le message de la motricité libre n'était pas encore bien passé auprès des professionnels de la petite enfance. On se demande pourquoi d'ailleurs : Emmi Pikler étant décédée en 1984 quand même. Désormais ce n'est plus le cas : la grande majorité des professionnels, assistants maternels compris (du moins j'espère) connaissent les bonnes pratiques. Mais les parents et même le corps médical dans son ensemble, font encore de la résistance. Peut-être qu'on leur présente le principe comme on me l'a présenté personnellement.

C'est vrai que la personne qui m’en a causé la première fois, il y a bien longtemps, au siècle dernier, n’était pas vraiment convaincue : « tu te rends compte, cette fille, elle laisse son bébé couché par terre, elle ne l’assoit jamais, ne le stimule jamais, elle le laisse se débrouiller tout seul le pauvre ! »

Le tableau avait de quoi faire peur. Je voyais bien le genre de maman que cela pouvait être : une sorte de soixante-huitarde nouvelle génération partie élever des chèvres dans le Larzac et faisant pousser des plants de Marie-Jeanne au fond de son jardin !! Quand au bébé, c’était des réminiscences de « l’enfant sauvage » de Truffaut qui me venaient en tête.

Je n’ai su qu’après que je me plantais complètement. Il s’agissait simplement d’une des bases de la motricité libre préconisée par Emmi Pikler : ne jamais mettre l’enfant dans une position qu’il n’a pas acquise de lui-même ; et le plus évident donc pour ce qui nous concerne, attendre qu’un bébé s’asseye tout seul comme un grand avant de le mettre assis d’autorité.

Mais pourquoi donc ? Et bien pour plusieurs raisons diverses et variées.

D'abord le dos du bébé n'est pas du tout prêt pour cette position. Il va donc inévitablement se produire des tensions et l'enfant ne se sentira pas bien dans son corps. Or la première condition pour être bien dans sa tête c'est d’être bien dans son corps non ? Il y a de fortes chances pour que, par ricochet, le corps prenne de mauvaises habitudes dont il se souviendra malheureusement toute la vie.

Ensuite si l'enfant ne sait pas se mettre assis tout seul, il semble tout aussi probable qu'il ne saura pas sortir de cette position tout seul ! D'où angoisse ! Soit il va pleurer, soit il tentera de s'en sortir et il fera le « culbuto ». D'où chute et mauvais souvenir ! On aura beau mettre toute une série de coussins autour de lui pour amortir la chute, la frayeur de se retrouver complètement déséquilibré sans comprendre ce qui lui arrive ne sera pas amortie elle ! Il pourra aussi tenter, si il est un peu plus hardi, de se déplacer dans cette position, sur les fesses, comme dans la pub pour ses fameuses couches tellement bien adaptées qu'elles ne fuient jamais. Dommage, car cela pourrait même retarder l'acquisition de la marche. En effet, ce n'est pas avec cette position que bébé pourra se mettre debout et marcher. Il se pourrait même que cela induise d'autres petits soucis car les muscles de l'enfant ne se développeront pas comme il se doit.

3ème raison : une fois que vous avez mis l'enfant assis, il est dépendant de vous. Il ne peut rien faire de lui même (puisqu'il n'a pas appris à revenir dans une autre position). Du coup il est passif et la passivité chez les bébés c'est rarement leur truc.

En le mettant assis, vous le privez de tout ce qu'il pourrait faire lui même si il était libre de ses mouvements au sol avec de quoi s'occuper tout autour de lui.

Alors on fait quoi si on ne le met pas assis ?

Et bien rien ! On le laissera couché à plat dos sur un tapis en créant autour de lui un univers stimulant qui lui donnera envie de bouger de lui-même pour, petit à petit, l’emmener de cette position couchée à la verticalité. Et surtout on observe son comportement.

Ca a l’air simple hein ? Mais ça l’est ! J’entends déjà les plus sceptiques me dire « mais mon bébé n’aime pas rester couché ». Avez-vous vraiment essayé ? Si un enfant n’a jamais été mis dans la position assise, il n’y a aucune raison pour qu’il vous la réclame de lui-même. Et je tiens quand même à vous rassurer : il ne s’agit pas de laisser l’enfant par terre, tel un vulgaire ver de terre toute la journée ; vous avez aussi le droit (enfin le devoir) de le porter. Ensuite, si ça ne fonctionne pas c’est souvent parce que l’on n’y croit pas ! On doute. On doute surtout des capacités de l’enfant à découvrir ces différentes postures de lui-même. Et de ce fait, on abandonne l'expérience trop tôt. Pourtant, on n’a pas à s’en faire : un bébé normalement constitué est génétiquement programmé pour s’asseoir tout seul, sans notre aide. 

Un jour ou l’autre généralement, ils y arrivent. Simplement il ne faut pas être pressé et penser qu’avant la position assise, l’enfant a un tas de chose à découvrir comme les déplacements (en rampant puis à quatre pattes). En plaçant l’enfant assis (j’allais écrire en coinçant l’enfant) vous le privez de toutes ces découvertes.

Vous aurez sans doute peur les premiers temps, d’un retard dans les acquisitions Certes, chez moi, comme je pense chez toute personne adepte de la motricité libre, aucun bébé ne s’est assis à 5 mois ! Mais par contre la plupart de mes demi-pensionnaires ont rampé comme des commandos à l’âge où d’autres n’en sont qu’à balbutier leurs premiers retournements. Attention, je ne suis pas en train de dire qu’il s’agit d’une méthode révolutionnaire pour stimuler l’enfant dans ses déplacements (j’ai eu aussi un gros pépère qui à 8 mois était à son maximum quand il levait une épaule), je dis simplement qu’en le laissant libre de ses mouvements, dans une tenue confortable, on lui donne l’occasion d’explorer toutes les possibilités de son corps en toute liberté, chose qu’il est incapable de faire dans une position assise imposée.

Si toutefois cette belle machine ne se mettait pas en route, vous pourriez alors lui proposer des petits jeux moteurs afin de l'aider un peu comme le propose Michèle Forestier dans son livre "De la naissance aux premiers pas" mais ça je vous en reparlerais bientôt.

Pour en revenir à notre petit razmoket, après avoir bien rampé, et expérimenté divers déplacements, un beau jour, après de nombreux essais, il arrivera à s’asseoir. En général, ce jour-là, il sera tellement fier de lui, qu’il en applaudira de ses deux mains ainsi libérées !

Si je ne vous ai pas convaincus, allez vite lire l'article de Sylvie Lavergne que Michèle Forestier propose sur son site.  . Avec de vrais mots de pro ça passera peut-être mieux.

dimanche 2 novembre 2014

Comment apprend-on à marcher ?

Le journal des professionnels de la petite enfance nous propose pour ces mois de novembre et décembre, un dossier sur l'apprentissage de la marche. 

Accessible à tous, même aux non professionnels, il ne parle pas seulement de l'étape des premiers pas, mais bien de tout le cheminement que l'enfant prend pour arriver jusque là. 

Comment apprend-on à marcher ?
En effet," la marche résulte d’un parcours d’un peu plus d’un an qui sera d’autant plus facile à mener si l’environnement est favorable. Mais ce n’est pas tant l’aboutissement de la marche du bébé comme mode de déplacement qui importe, que le chemin qu’il va parcourir pour y arriver."
Le dossier comprend un article dans lequel vous retrouverez, sans doute plus clairement, tout ce que je tente de vous dire sur ce blog sur la motricité, et une fiche pratique pour aider l'enfant à devenir un bon marcheur. 
Cette fiche propose une série de petits conseils simples mais judicieux. Je me permettrais quand même un petit bémol sur celui qui consiste à se mettre à hauteur de l'enfant en l'invitant à venir nous rejoindre. L'auteur de la fiche pense que les allers-retours entre deux adultes sont intéressants pour le bébé. Je pense personnellement que ça peut au contraire inciter un bébé qui n'est pas prêt à se lancer quand même. Il va effectivement esquisser quelques pas  peut-être même courir, mais peut-on dire que c'est de la marche ? En tout cas ça ne pourra pas l'aider dans la mesure où il ne prendra pas le temps de bien chercher son centre de gravité. 
Ce détail mis à part, je conseille, si je peux me permettre, aux assistantes maternelles et même aux professionnels de crèches de se procurer ce magazine et de  le laisser à disposition des parents. Le message passera sans doute mieux avec un écrit et cela vous permettra d'étayer vos dires. Pensez à le proposer bien avant l'étape des premiers pas, au tout début de la vie de bébé puisque c'est dès ce moment que le processus se met en route.
Bonne lecture ! 
Le magazine est disponible en kiosque ou sur Internet 

samedi 25 octobre 2014

Pikler International

photo tirée du site Pikler International 


Quoi ? Comment ? Le site Pikler International que j'avais ôté des liens de Nounous Taties et Cie parce qu'il ne fonctionnait plus a fini par renaître de ses cendres, et je n'étais même pas au courant ? 

A moins qu'il s'agisse d'une autre organisation. Enfin bref, je ne sais pas trop, mais voici une adresse à conserver dans vos favoris. 

Il est encore tout neuf (quelques mois me semble-t-il) et gageons que nous allons y trouver de nombreuses informations tout comme nous pouvons en trouver sur le site de l'association Pikler-Loczy France. 

Bonne visite ! 

mercredi 2 avril 2014

Compte-rendu : LE SOMMEIL DU JEUNE ENFANT EN COLLECTIVITE -

C'est le 20 mars dernier que s'est tenue au Collège Gilbert Dru de Lyon 3, la soirée débat Pikler sur le thème du sommeil en collectivité. Elle était animée par  Isabelle DELIGNE, médecin en crèche et PMI, devant un public qui s'était "modérément" déplacé (on ne jouait pas à guichet fermé cette fois !). 

Le thème pouvant être résumé à la question "Comment aider les enfants à bien dormir dans la structure", j'ai failli moi-même ne pas m'y rendre, puisque je travaille à mon domicile et non en structure collective. C'eût été une erreur car la soirée était assez généraliste pour intéresser les assistantes maternelles mais aussi les parents.  Elle s'est déroulée en deux temps. Une première partie a été consacrée à un rappel sur l'organisation du sommeil en général, puis nous avons enchaîné sur une discussion appuyée par un montage vidéo où l'on suit une petite fille de 1 an (Mélina) dans différents moments de la journée jusqu'à son endormissement.

I Organisation du sommeil : grande fonction organisatrice du corps et pas que du corps

a) Commençons donc par quelques rappels physiologiques. 

Les humains sont soumis à des rythmes biologiques. Notre rythme principal c'est de dormir la nuit et d'être éveillé le jour. C'est le rythme circadien (24 h) avec des variations individuelles. A cela se rajoute le rythme ultradien (plusieurs fois dans la journée). C'est une histoire de génétique (et non pas simplement une histoire de glucose souligne Isabelle Deligne). Nous avons tous des baisses de vigilance qui suivent la courbe de température. Ce rythme est plus court pour les bébés, c'est pour cela que si le temps d'éveil est trop long, ils s'agitent. 

A cela s'ajoutent aussi des variations mensuelles (cycles menstruels) ou saisonnières. Plus on suit cette organisation, plus on est en forme. Ne pas suivre ces rythmes, c'est s'exposer à beaucoup de fatigue. 

b) Parlons maintenant du sommeil en lui-même.

Chez l'adulte on s'aperçoit qu'il y a deux grandes phases de sommeil : 

- le sommeil lent : le cerveau se met au repos, on note une lenteur du coeur et de la respiration mais le corps se tient. C'est une phase de récupération de la fatigue physique. Il y a une sécrétion d'hormones de croissance (réparation du corps, des tissus malades) et d'hormones sexuelles. On note aussi la fabrication des anticorps, et le renouvellement de l'énergie du cerveau ; 

- le sommeil paradoxal : on voit une activité du cerveau rapide. Les yeux bougent. La respiration et le coeur s'accélèrent, mais le corps lui est lâche, sans tonus. C'est un moment de maturation cérébrale, de construction de la mémoire, de remaniement émotionnel, de réaménagement de ce que l'on a vécu. Ce sommeil arrive en fin de nuit.

On symbolise souvent le sommeil comme un train : on parle du train du sommeil. La locomotive qui représente l'endormissement passe régulièrement, mais il faut sauter dedans quand elle passe. Tous les rituels qu'on met en place, c'est la locomotive. Puis on passe dans le sommeil lent dans lequel on s'enfonce de plus en plus profondément, vient ensuite une phase de sommeil paradoxal. Le cycle est alors fini mais on peut enchaîner sur un deuxième cycle. Pour les adultes le cycle dure de 1 h 30 à 2 h Au fur et à mesure de l'enchaînement des cycles le sommeil paradoxal prend plus de place.

Chez le tout petit, c'est différent.

Le foetus est un gros dormeur, mais il a sans doute un sommeil différent. Il dort indépendamment de sa mère, beaucoup le matin. A l'accouchement, le bébé dort. Quand il se réveille, c'est un signe de souffrance. Ce sont les contractions qui le réveillent. 

Les bébés dorment beaucoup (ou sinon ils pleurent beaucoup). Ils s'endorment dans un sommeil agité, comme si l'urgence c'était de donner du sens aux informations. Ils passent plus de la moitié du sommeil dans un sommeil agité (équivalent du sommeil paradoxal de l'adulte). C'est une phase de sommeil qui trouble beaucoup les adultes. On pense qu'ils ont besoin de nous. Les bébés sont même parfois réveillés par les adultes alors que c'est un sommeil à respecter. Ils font parfois des poses physiologiques qui peuvent durer 15 secondes. 

Après ce sommeil agité, le bébé passe à un sommeil lent qui ne dure que 20 minutes. On peut même penser que la phase d'avant n'est pas du sommeil et donc que le petit n'a dormi que 20 minutes. 

Il faut suivre son rythme. On ne peut pas forcer la nature. Au bout de 2 ou 3 mois leurs phases de sommeil ressemblent plus à nos propres phases mais ils continuent à s'endormir en sommeil paradoxal jusqu'à 8 mois.  D'ailleurs, on notera que le bercement ne marche que jusqu'à 8 mois (tant que l'enfant s'endort en sommeil paradoxal). Jusqu'à 3 ans, les cycles vont durer 1 heure.

Vers 8/9 mois, ils s'endorment progressivement, comme les adultes : ils sentent qu'ils s'endorment. C'est donc le grand moment pour les rituels d'endormissement.

source : http://sommeil.univ-lyon1.fr/articles/challamel/prosom/train2.php


c) les troubles du sommeil de l'enfant

Chez les enfants, les cauchemars sont très rares. Le plus fréquent, ce sont les terreurs nocturnes. Elles arrivent pendant le sommeil lent profond et en début de nuit : l'enfant hurle mais il dort, comme un somnambule. C'est un loupé. Elles arrivent souvent quand il s'est passé beaucoup de choses dans la journée (émotionnellement) provoquent des manifestations physiques de peur, mais pas de souvenirs. L'enfant est troublé si on le réveille.

Le cauchemar n'a rien à voir. Il arrive plutôt en fin de nuit. L'enfant appelle, est effrayé et s'accroche à l'adulte. Il s'en souvient ce qui dérange l'endormissement du lendemain. Il ne faudra pas alors "traquer les monstres" dans la chambre quand l'enfant ira se coucher ("mais non tu vois il n'y a  pas de montres dans l'armoire") mais plutôt lui expliquer que c'est son corps qui lui a fait une farce. 

II Le dvd de Mélina

Le reste de la soirée était donc basé sur une vidéo nous présentant Mélina 1 an que l'on voit dans différents moments de la journée, dans une crèche collective accompagnée de l'auxiliaire qui s'occupe d'elle. Avant le visionnage, l'intervenante nous explique le fonctionnement de la structure : les enfants dorment dans des lits/matelas au sol dans la pièce qui sert aussi de salle de jeux et d'activités. Elle nous dit aussi que ce jour là une auxiliaire était malade. 

Le film nous est présenté en plusieurs étapes et à chaque extrait, nous avons pour mission de repérer les éléments qui vont aider l'enfant à s'endormir. Nous comprenons très vite qu'il ne faut pas se focaliser sur le moment de l'endormissement mais s'intéresser à la journée entière. 

On voit dans le dvd que les enfants dans cette crèche ne sont pas tous couchés en même temps. Les coucher en même temps, ce serait prendre le risque que des difficultés apparaissent. Il faut coucher les enfants quand ils en ont besoin et donc se questionner sur l'organisation de la structure. Là, on comprend tout l'intérêt de faire dormir les enfants dans le lieu de vie lui même plutôt que d'utiliser un dortoir séparé. 

On s'est ensuite intéressé à la journée de Mélina en essayant de repérer dans la journée tout ce qui va favoriser l'endormissement. 

On verra alors toute l'importance de la bientraitance et de la traque des douces violences au cours de la journée. Grâce aux interventions de l'auxiliaire, nous prenons conscience de l'importance : 

- de prévenir les enfants de ce qui va se passer ; 

- de favoriser la sécurité intérieure par des détails comme attendre que l'enfant soit prêt pour le prendre ;

- personnellement, j'apprends alors qu'il vaut mieux éviter d'employer le "on" ; par exemple il vaut mieux dire "je vais te changer ta couche" plutôt que "on va changer la couche" ; 

- d'organiser la journée et de scander le temps avec les enfants ;

- d'avoir des temps de repas et de soins dans lesquels on est en relation avec l'enfant ; 

- de veiller à la satisfaction des besoins fondamentaux de l'enfant. 

En résumé, c'est la bientraitance qui aidera l'enfant dans son endormissement. Or pour être "bientraitant", on ne peut pas être tout seul. Il faut être toujours en recherche de bien faire. On ne peut pas toujours se référer aux choses que l'on a apprises il y a longtemps par transmission familiale par exemple. Il faut apprendre à se remettre en question tout le temps, ce qui pour nous assistantes maternelles est plus compliqué puisque par définition nous travaillons seules à la maison.

Si la qualité du lien et un certain nombre de petites choses comme dire avant de faire, aide l'enfant dans son endormissement, on verra aussi que parler à l'enfant de ses parents permet de le rassurer.

On verra aussi dans un dernier extrait, l'importance du jeu libre pour l'enfant. On observera par exemple Mélina qui, au sol sur le dos  travaille tranquillement, en tapant 2 étoiles identiques l'une contre l'autre. Ce jeu symbolise la séparation et l'enfant rejoue ainsi très certainement la séparation du matin. Souvent, les enfants ne s'endorment pas parce qu'ils ont peur de perdre leurs parents. 

Vous l'aurez peut être remarqué : chez Pikler on ne voit pas l'endormissement comme un problème et on regarde la globalité de la vie. 

La soirée s'est terminée sur une série de questions libres dont l'une d'elles m'a permis d'apprendre qu'il existait parfois de "drôles" de protocoles d'endormissement dans les structures collectives ! Une personne a ainsi témoigné en nous disant que dans sa crèche, pour prévenir la mort subite, les enfants devaient obligatoirement dormir sur le dos et ce, jusqu'à 9 mois ! Le personnel avait donc ordre de repositionner systématiquement  les enfants sur le dos au risque de perturber leur sommeil. 

Si cette façon de faire me semble correcte pour un tout petit, elle me parait totalement inadaptée pour un grand bébé de 9 mois, capable de soulever sa tête et de se positionner un peu comme il veut ! Isabelle Deligne pensait d'ailleurs la même chose, nous disant qu'elle, à titre personnel, ne donnerait jamais ce genre de protocole, qu'il y avait toujours ce fameux problème d'interprétation des règles dans les différents départements et que dans les faits, on a pu remarquer qu'en matière de mort subite c'est le lien qui protège l'enfant : il n'y a pas de mort subite quand l'enfant dort dans la pièce de vie. 

Je suis ressortie de la réunion contente. Contente parce qu'en matière de connaissances sur le sommeil une bonne révision n'était pas de trop ! Contente aussi parce qu'instinctivement j'ai choisi il y a déjà plusieurs années d'accueillir les enfants de cette manière là, en faisant dormir les tout petits dans la pièce à vivre au milieu des autres enfants et en ne fermant plus aucune porte lors de la sieste des plus grands qui eux dorment dans les chambres de mes enfants. Je faisais ainsi du Pikler, sans savoir que c'en était !